mercredi 3 juin 2015

"Les dirigeants doivent avoir une attitude d'équilibre et d'équité" François Bayrou

Questions d’info : François Bayrou, président... par LCP
Le président du MoDem François Bayrou, invité aujourd'hui de l'émission "Questions d'info" sur LCP, a jugé que les dirigeants français devraient prendre "au moins une certaine distance" vis-à-vis du Qatar et des intérêts économiques en jeu.
Bienvenue à Questions d'Info. Les électeurs centristes seront-ils les arbitres de la primaire des Républicains ? Alain Juppé peut-il être le candidat de la droite et du centre réunis ? Invité de Questions d'Info aujourd'hui, François Bayrou, le président du MoDem. Et à mes côtés pour vous interroger, monsieur Bayrou, Françoise Fressoz du Monde, Frédéric Dumoulin de l'AFP et Olivier Bost de France Info.
On va commencer par la FIFA, Sepp Blatter a finalement décidé de démissionner. Est-ce qu'il y a quelque chose de pourri, de complètement pourri au royaume de la FIFA ?
En tout cas, les indices qu'on a montrent qu'en effet ça ne peut pas durer comme ça. Les bruits de corruption et les éléments précis, semble-t-il, de transferts de fonds à l'occasion de décisions importantes que prenait la Fédération internationale du football, c'est évidemment insupportable, inimaginable pour tous ceux qui de bonne foi sont des éducateurs, des amateurs, se passionnent, des supporteurs et qui découvrent après cela que la pourriture gagne le sport qu'ils aiment. Et donc, la moindre des choses qu'on puisse faire, c'est sanctionner et soutenir tous ceux qui veulent changer les choses.
Est-ce qu'il faut aller jusqu'à remettre en cause l'attribution de la Coupe du Monde au Qatar ?
De deux choses l'une. Ou bien il y a des éléments qui prouvent qu'il y a eu corruption et intervention, auquel cas il faut une remise en cause.
Par rapport à la corruption, on parle aussi de la Coupe du Monde à Moscou, enfin en Russie.
D'après ce que j'ai lu dans les papiers, comme vous, c'est trop tard. Évidemment, on est à quelques mois de la Coupe du Monde en Russie et de ses équipements, mais vous entendez bien les bruits insistants, persistants, et de ce point de vue, il faut que l'enquête avance, qu'elle avance vite, avec des éléments probants, s'il y a des éléments probants, ce qu'évidemment je ne sais pas.
Puisqu'on parle du Qatar, on se disait que le Qatar avait amené un peu de morale dans la vie sportive et footballistique en France ?
C'est... ! Naturellement, vous avez des éléments précis pour penser cela.
Vous ne croyez pas, vous ?
Il y a une présence de plus en plus forte du Qatar, certains disent dans les banlieues, certains disent, c'est même sûr, dans le milieu du foot. Est-ce que ça pose problème, le fait qu'on ait vraiment une telle relation de proximité avec le Qatar en France ?
De proximité, d'intimité, et de dépendance, voilà à peu près les mots qui vont aux relations de la France avec le Qatar dans beaucoup de domaines de l'activité du pays. Mais ce qu'il y a de plus frappant, c'est que la France a voté pour le Qatar une exemption fiscale. Vous vous souvenez de tout le débat qu'il y  a eu sur le Luxembourg, sur le fait qu'au Luxembourg il y avait des accommodements avec le fisc, la France a voté cette exemption pour le Qatar. C'est-à-dire, les investissements réalisés en France ne sont pas fiscalisés du point de vue de leurs plus-values pour une exemption pour tout un pays. Et vous voyez bien qu'évidemment ça ne peut pas aller sans que des interrogations se posent.
Vous pensez qu'il faut prendre ses distances ?
Vous voyez bien les intérêts qui sont en jeu, les achats d'armes, la vente de matériels. Ce sont des intérêts extrêmement imbriqués, et c'est pourquoi on voudrait des dirigeants qui au moins aient une certaine distance à l'égard de ces intérêts.
Vous pensez à Nicolas Sarkozy ?
Je pense aux dirigeants français successifs.
Y compris François Hollande ?
J'ai cru observer ces derniers mois ou ces dernières années que ce qui se produisait avant continuait à se produire aujourd'hui. Et on voit bien, bien sûr, qu'il y a de très grands intérêts industriels, donc il y a beaucoup d'emplois qui sont en jeu. Mais au moins les dirigeants devraient-ils se tenir à distance, et avoir une attitude qui soit une attitude d'équilibre et d'équité.
Justement sur ce volet du Qatar, toujours, en tant que responsable politique, est-ce que ça vous pose problème que le Qatar en tant qu'État porte plainte contre Florian Philippot qui est le numéro 2 du Front national ?
Je ne suis pas au courant de cette plainte.
Ils estiment en fait qu'il les a diffamés en disant qu'ils nourrissaient l'islamisme à travers le Moyen-Orient, etc. Donc Florian Philippot s'estime menacé, et il demande même une protection policière.
Ensuite, on passera à un autre sujet.
Je ne veux pas rentrer dans ce sujet, parce que je ne le connais pas. Je n'ai pas d'information précise sur ce point, ce que je sais, c'est que la France en tant qu'État, en tant qu'État ayant une certaine vision de l'équilibre du monde, et de l'avenir du pays, et des relations avec les États très imprégnés de religion, la France doit avoir une attitude de réserve.
L'actualité, c'est aussi le chômage, puisqu'il a encore augmenté, et c'est un sujet qui concerne et qui intéresse particulièrement les Français.
3,4 millions de chômeurs en avril, ça monte, mais l'OCDE annonce peut-être une inversion de la courbe du chômage à la fin de l'année. Est-ce que c'est la bonne nouvelle qu'attend François Hollande ?
Que vous attendez vous-même d'ailleurs.
Je croirai aux bonnes nouvelles quand je les verrai.
Saint-Thomas.

J'observe depuis 2008, je rappelle que depuis le début de l'année 2008, c'est-à-dire il y a aujourd'hui 7 ans, le chômage n'a jamais cessé de monter en France, mois après mois, à quelques parenthèses infimes près. Le chômage n'a jamais cessé de monter, et de monter au même rythme. Si on pouvait, je montrerais la courbe du chômage en France depuis ces années-là, la pente, c'est fascinant, la pente est la même entre l'époque de Nicolas Sarkozy et l'époque de François Hollande.
Vous les mettez dans le même sac tous les deux ?
Et donc je dis qu'il y a une coresponsabilité des deux familles politiques qui ont gouverné la France depuis cette époque, et des présidents de la République successifs.
Nicolas Sarkozy, il y a eu la crise.
Permettez-moi d'avancer. Je suis frappé de voir que l'UMP et le Parti socialiste ont le même discours, et ce discours, c'est : « c'est la faute des autres ».
Ce n'est plus l'UMP d'ailleurs.
L'UMP dit, les dirigeants de l'UMP disent : « mais c'est la faute de François Hollande », tous le disent, y compris ceux que j'aime bien, « c'est François Hollande qui nous a conduits à la situation où nous sommes ». C'est évidemment une blague puisque le rythme de croissance du chômage était exactement le même avant. Et le Parti socialiste dit : « c'est la faute du bilan, de ce que nous avons trouvé en arrivant ». Ceci est une manière de se défausser de ses responsabilités...
C'est la faute à qui ?
De la part de deux équipes politiques qui sont co-responsables de la situation. C'est la faute, premièrement, à ceux qui n'ont pas voulu prendre les décisions qui s'imposaient, ou qui n'ont pas su prendre les décisions qui s'imposaient. Et c'est un peu aussi la faute des opinions publiques qui les ont soutenus dans leur absence de décisions.
Alors on poursuit.
Et donc il y a cette coresponsabilité qui devrait nous obliger à nous poser la question des conditions nécessaires, politiques et morales, nécessaires pour que la situation change. Et c'est au fond la question des années qui viennent.
Le chômage, c'est ce qui barrera la route à un second mandat de François Hollande, selon vous ?
Je pense que François Hollande ne peut pas se redresser de la situation où il est, parce qu'il a déçu un très grand nombre de Français, et cette déception, y compris face à la situation du chômage, mais pas seulement. Regardez ce qu'il se passe à l'école, à l'éducation nationale, regardez ce qu'il se passe dans un grand nombre de sujets où on élude les choix nécessaires. Je pense que la situation est compromise.
On en parlera de François Hollande, mais on continue sur le social et sur les syndicats.
Manuel Valls en début de semaine recevait les syndicats justement pour essayer de parler dans les PME et les syndicats disent : « surtout pas le contrat unique ». Comment est-ce qu'on fait pour réformer une France qui apparaît bloquée ?
On attend 2017 ou on peut le faire maintenant ?
Il faut savoir précisément ce qu'on veut et ce qu'on analyse comme cause de la situation du pays. Pour moi, la situation du pays est caractérisée par le fait que la France est aujourd'hui le seul pays de notre niveau où le chômage augmente.
Et l'OCDE nous dit : « ça va baisser ».
Mais excusez-moi, vous avez une dépêche qui est tombée il y a dix minutes, attendons un peu. Nous avons 26 000 chômeurs de plus ce mois-ci, ça veut dire que nous avons par jour ouvrable 1000 chômeurs sans emploi du tout qui vont s'inscrire à l'ANPE, à Pôle Emploi. Ça, c'est la situation du pays. Et ça dure depuis 80 mois.
Alors, qu'est-ce qu'on fait ?
Et donc, de ce point de vue pour moi, l'action s'impose, et pas attendre en sifflotant que la situation change. Je crois, moi, qu'elle ne changera pas. Pourquoi ne changera-t-elle pas ? Parce que les causes qui expliquent cette situation du pays sont des causes qui toutes dépendent de décisions françaises, qui ne dépendent pas de l'extérieur, et dont aucune n'a trouvé de réponse. J'en prends une, très simple, je crois qu'il est d'évidence, quoi qu'en disent les syndicats, qu'une grande partie de la réticence à créer un emploi vient de l'extrême complexité et du risque que ressentent les créateurs d'emplois à embaucher quelqu'un et à penser que ce contrat ne pourra plus être interrompu. Voilà pourquoi je plaide depuis plus de dix ans pour un CDI, un contrat à durée indéterminée, à droits progressifs, dans lesquels la question de l'interruption du contrat sera traitée.
Est-ce que l'idée d'Emmanuel Macron, par exemple, de plafonner les indemnités de licenciement va dans ce sens-là ?
Ce n'est pas la question principale.
C'est quoi la question ?
On peut plafonner...
C'est l'idée de savoir comment on se sépare d'un salarié, et dans quelles conditions.
Après tout, il n'existe aucun contrat aujourd'hui, dans la société française, y compris pas le mariage, ce qui quand même... qu'on ne puisse ou qu'on ne sache comment interrompre si le jour vient où... Cette question doit être traitée de manière sereine, et je répète que remplacer la forêt de contrats que nous avons, il y en a plusieurs dizaines, par au fond un contrat de droits communs qui serait un contrat à durée indéterminée, dont la durée ne serait pas fixée au jour où on le crée, qui serait un contrat destiné à durer pour tout le monde, mais dans lequel on saurait quelles sont les conséquences de l'interruption du contrat, je trouve que ce serait raisonnable.
Vous savez très bien qu'on ne peut pas le faire avant 2017, ça.
Je ne sais pas si on ne peut pas le faire avant 2017. On ne peut pas le faire parce qu'on ne veut pas le faire. Mais pour moi en tout cas...
Le gouvernement n'a pas la majorité pour le faire.
Mais le gouvernement n'a la majorité pour ne faire aucune réforme.
Vous dites ça, aucune réforme, vous appelez à une manifestation contre la réforme du collège. Est-ce que vous pourriez...
On change de sujet.
Non, vous allez voir, c'est le même. Est-ce que vous pourriez appeler à une manifestation pour établir un tel contrat ?
Un responsable politique n'appelle pas à la mobilisation ou à la manifestation tous les quatre matins.
Là, ce serait une manifestation positive.
On a un problème que nous allons aborder, j'imagine, à l'éducation nationale avec une « réforme », que tous ceux qui ont une certaine idée du contrat qui unit l'éducation nationale et le pays condamnent, dans lequel ils voient une régression de tous bords, et donc là oui, il faut une mobilisation puisque le gouvernement a voulu passer en force.
Pourquoi votre appel est resté sans voix ?
Je vois que vous vous trompez complètement. Je pense, vu de l'extérieur, peut-être on ne voit pas ce qu'il se passe au sein de l'éducation nationale et des milieux qui aiment l'éducation nationale, je pense que vous verrez dans les jours qui viennent qu'il peut y avoir au contraire des éléments de mobilisation très importants.
C'est-à-dire ? Vous pensez à quoi ? Vous avez quoi en tête ?
J'ai quelque chose en tête.
Un appel ?
Mais si je ne vous l'ai pas dit, c'est que je n'ai pas envie de vous le dire.
Il va y avoir un appel ?
Je n'ai pas envie de vous le dire.
Vous préparez donc une initiative sur ce sujet ?
Oui, je pense qu'il y a beaucoup d'esprits éminents...
Intellectuels ? Enseignants ?
Oui, qui sont...
Anciens ministres ?
Qui sont choqués de la manière dont ces choses se passent.
De gauche comme de droite ?
Et qui ont l'intention de le dire, quelles que soient leurs origines politiques, qui ont l'intention de le dire. Je souhaite qu'ils le disent, et qu'ils le disent ensemble. Je vous rappelle qu'il y a une grève le 11 juin, c'est inédit, une grève le 11 juin, surtout après, on sait quelles sont les difficultés dans enseignants, et pour eux, c'est... Mais il y a un sentiment profond, vous avez vu ce qu'il s'est passé chez les deux fédérations de parents d'élèves. Dans l'une, la FCPE, le président avait soutenu la réforme, il s'est fait jeter, il s'est fait priver de ses responsabilités. Et dans l'autre, il y avait une enquête qui est sortie hier matin qui disait que 85 % des parents de l'AD PEP disaient qu'ils étaient en désaccord avec cette réforme. Et pour des raisons qui sont des raisons indiscutables. Le gouvernement a essayé de mettre du brouillard...
.... La majorité des parents de l'AD PEP qui sont en désaccord avec le gouvernement... Il y a ça aussi quand même.
On se trompe. Ou on fait le jeu du gouvernement, en voulant faire croire qu'il s'agit d'un combat politique ou politicien droite contre gauche. Ce n'est pas vrai. Et même, il y a, et ce combat aurait été mené, je l'ai mené moi-même, je veux rappeler que Nicolas Sarkozy en 2007 avait dit que, je crois que sa formule exacte était que ceux qui voulaient apprendre le latin et le grec, il allait falloir qu'ils se le paient. Je crois que c'était...
Il a dit d'autres choses. On va parler de Nicolas Sarkozy après.
Que c'était son idée. Et donc, peu importe le bord qui fait ça, mais ceux qui portent atteinte à une certaine idée de l'école, et cette idée est pour moi très précise, c'est l'idée qu'on puisse à l'école avoir des parcours exceptionnels, même si on ne vient pas des milieux favorisés, ce qui est la vocation de l'éducation nationale. Et dire...
Aujourd'hui, globalement, ce n'est pas ce qu'il se passe.
Je suis en désaccord complet avec vous. Et l'idée que, parce qu'il n'y a que 20 % ou 35 %, parce qu'il n'y a que 20 %, les rapports PISA n'ont rien à voir avec cette affaire, parce qu'il n'y a que 20 ou 25 % des enfants qui font des langues renforcées, ou qui font des langues anciennes, on supprime ces options, alors c'est une idée pour moi qui touche au principe de l'éducation nationale.
Justement, votre appel du 11 juin... J'allais dire du 18 juin... Ça va prendre quelle forme ?
Vous verrez. Je n'ai pas dit qu'il y aurait un appel. Je ne vous ai donné aucun élément précis. Vous essayez de...
On a compris.
... de me faire dire quelque chose que je n'ai pas envie de dire.
Vous l'avez sous-entendu.
Je suis persuadé qu'il y aura... il y a beaucoup de mouvements. J'ai rencontré les associations d'enseignants, ils sont indignés, et il y a un mouvement très profond, et je suis persuadé que ce mouvement produira des effets.
Un mouvement républicain ?
Qu'est-ce que vous voulez dire par... ?
Vous parlez du parti de la droite, vous parlez de l'UMP encore. Est-ce que ça veut dire que les Républicains, vous n'adhérez pas du tout et que vous n'arrivez même pas à le dire ?
Non, ce n'est pas ça du tout. C'est le même parti.
Oui, mais il y a un mot qui a changé.
C'est le même parti dont on a changé non pas la forme, non pas les responsables, non pas les statuts, mais dont on a changé le nom. Et donc, j'ai observé, j'écoutais monsieur Woerth ce matin, et il disait « UMP ». Alors, il faut un peu de temps. Je ne peux pas aller plus vite qu’Éric Woerth sur ce sujet.
Mais c'est un bon coup politique ce changement de nom ou pas ?
La politique, ce n'est pas des coups.
Ça peut aussi être des coups.
Il y a des gens qui pensent que la politique c'est des coups. Moi je pense le contraire. Je pense que la politique, c'est un mouvement de fond, porté par des hommes qui ont des tempéraments, des caractères, qui sont en eux-mêmes, par leur attitude, l'illustration de leurs idées.
C'est le cas de Nicolas Sarkozy, non ?
Vous voyez exactement le sujet. Voilà pourquoi en particulier au moment de l'élection présidentielle, c'est si important de regarder la manière dont se conduisent, ou des attitudes, ou des choix, on dit des valeurs, de la sensibilité qu'ont les responsables politiques. Je fais davantage...
La manière dont ils se conduisent, justement c'est important. On a vu que monsieur Juppé et monsieur Fillon ont été sifflés pendant ce congrès fondateur. Est-ce que ça vous inquiète pour la suite des évènements, notamment pour l'organisation de la primaire ?
D'abord, je ne participe pas à l'organisation de la primaire, donc mes inquiétudes, ce sont des inquiétudes de l'extérieur. Ce que je sais, ce que j'ai dit, c'est qu'évidemment quand il y a de l'agressivité, une espèce de violence perpétuelle, une mise en cause, des mots qui sont des mots blessants, évidemment, quand ce sont les leaders qui se conduisent comme ça, les militants accentuent cet...
En gros, Nicolas Sarkozy met de l'huile sur le feu, pousse au crime ?
Accentuent cet effet-là. Et donc, pour moi, un des freins que nous avons pour traiter les problèmes qui se posent au pays, c'est ça, c'est qu'on ne puisse jamais aborder de manière sereine, constructive, avec une certaine distance ou avec une capacité à parler ensemble, des problèmes qui concernent tout le pays, simplement parce que cette perpétuelle agression réciproque entre les camps nous empêche d'avancer.
Justement, à propos d'agression, quand Le Canard Enchaîné rapporte que Nicolas Sarkozy a dit ça de vous : « le bègue, je vais le crever ». Vous avez peur ?
C'est une phrase d'une très grande élégance, sympathie. Distinction et finesse. Et qui contribue à tirer vers le haut le débat politique français.
Être dans son viseur comme ça, ça ne semble pas vous gêner ?
Je vais essayer de vous dire ça. Ses phrases se multiplient, vous en avez vu des tonnes...
Mais vous pensez qu'il a pu le dire ?
Je ne sais pas, ce sont des journalistes tout à fait éminents qui écrivent dans Le Canard Enchaîné quelquefois de manière plus ou moins affichée, mais en tout cas, ce sont des équipes qui sont très professionnelles, et loin de moi l'idée que Le Canard Enchaîné pourrait écrire des choses éloignées de la réalité. Donc je vais essayer...
Donc ça vous fait sourire d'être la cible de Nicolas Sarkozy ?
Je vais essayer d'analyser ça. Pourquoi est-ce que Nicolas Sarkozy, à l'égard de quelques-uns, et de moi en particulier, manifeste une telle violence, agressivité ? Je pense que c'est parce qu'il ne supporte pas qu'on n'ait pas peur de lui.
Ah oui ?
Et il se trouve que je n'ai pas, je n'ai jamais eu, et je crois qu'à vue humaine il n'y aura pas d'hypothèse où j'aurais peur de lui. D'ailleurs, de qui que ce soit. Mais quelqu'un qui essaie...
Est-ce ça ne lui permet pas de taper sur Alain Juppé en tapant sur vous ?
Oui, sûrement.
Est-ce que ça ne lui permet pas...
Oui, sûrement, sûrement. Mais vous voyez le fond de l'affaire.
Ça permet de faire le rassemblement de sa famille aussi au passage.
Exiger ou faire pour pouvoir avoir des rapports normaux, même d'adversaires, de concurrents, exiger qu'on se soumette, qu'on soit, je crois qu'il l'a dit, matin, midi et soir avec lui, c'est-à-dire soumis à lui, dépendant de ses décisions, et qu'autrement on sera cloué au pilori, pendu à des crocs de boucher, enfin vous reconnaissez des expressions qu'il a déjà utilisées, tout cela, pour moi, c'est le contraire du comportement qu'il faut avoir. Alors, je n'ai aucune intention de changer, et je n'ai aucune intention de me soumettre à ce genre de diktat.
Mais une personne qui a ce vocabulaire-là, puisque selon vous, il l'a dit, est-ce que cette personne peut être réélue président de la République ?
Ce n'est pas selon moi qu'il dit ça. C'est selon vous, selon la tribu des journalistes.
Vous ne le remettez pas en cause ?
Il m'est arrivé d'observer que les journalistes avaient des sources.
S'il a ce comportement-là, est-ce que vous pensez qu'une personne comme ça peut être réélue président de la République ?
Réélue, oui, on a déjà vu ça.
Est-ce que ce serait bon pour la France ?
Est-ce que ce serait la bonne voie à suivre pour la France ? Cette agressivité-là ? Je ne le crois pas.
Pourquoi ce ne serait pas bon pour la France ?
C'est très simple. Nous avons à conduire une politique qui selon moi est très clairement définie, très facile à décrire ou à proposer au pays, je crois, très efficace en quelques années, mais qui exige le rassemblement et un soutien large, qui exige pour être portée l'acceptation du pays et un soutien large. Si vous avez des attitudes politiques qui interdisent ce rassemblement et ce soutien, en réalité vous vous barrez toute possibilité d'avoir une politique.
C'est ce qu'il est en train de se passer. Donc comment vous faites pour essayer de casser ce jeu ? Est-ce qu'il y a une possibilité ?
Avant une autre question peut-être.
Il y a quelque chose d'intéressant...
Il faut que vous vous entendiez entre vous. Je vous propose d'ouvrir des négociations entre vous, je veux bien servir d'arbitre, si vous voulez, ou de médiateur !
Il y a quelque chose d'intéressant, c'est que les Français a priori ne veulent pas la même affiche en 2017 qu'en 2012, c'est ce qui est dit dans un sondage de l'Ifop. Le problème, c'est que vous, vous n'apparaissez pas dans les envies des Français.
Excusez-moi, c'est que je n'ai jamais été proposé et je ne me suis pas proposé dans cette hypothèse. Mais si vous avez regardé le dernier sondage d'intention de vote présidentiel, vous verrez qu'en effet dans cette hypothèse j'étais avec un seul... Je crois que c'était 12 %, ce qui était un socle haut.
Par exemple, une affiche Valls Juppé ?
On leur propose des affiches, et les Français...
L’affiche la plus souhaitée qu'on leur propose, c'est...
Quand on leur propose des affiches. Je vais vous dire très simplement, les Français sentent bien que revenir à cet affrontement clanique entre des gens qui s'envoient des noms d'oiseaux à la figure en se taxant de médiocrité ou de « moi, je », ou de... Ça ne fait pas avancer le pays.
Mais comment vous faites ? À la position où vous êtes, comment vous faites pour... ?
Et donc, ils ont envie d'autres hypothèses, c'est la raison pour laquelle...
Ils disent, ils votent pour Juppé.
C'est la raison pour laquelle je soutiens Alain Juppé, que je serais heureux qu'il l'emporte.
Et il va y arriver, vous pensez ?
Et donc on est devant, évidemment, cette hypothèse de primaire qui n'est pas mon hypothèse à moi.
Vous dites : « je soutiens Juppé » dans une hypothèse de primaire qui n'est pas la vôtre. Ça veut dire que vous pensez que la primaire est pipée ?
Non, je n'ai pas dit ça. Mon analyse est que le mécanisme même de la primaire est un mécanisme qui donne trop de poids, un poids surestimé au noyau dur d'agressivité militante.
C'est-à-dire, Éric Woerth l'a un peu avoué, puisqu'il a parlé, il a dit que ce serait réservé au peuple de droite. Vous estimez que c'est complètement cadenassé ?
Non, je n'ai pas dit cela, et ce n'est pas mon affaire. J'ai dit depuis le début mon inquiétude à propos du mécanisme de la primaire. Après, Alain Juppé, François Fillon, Nicolas Sarkozy vont essayer de trouver l'équilibre entre eux, et s'ils ne le trouvent pas, il y aura des conséquences, ce n'est pas mon sujet.
Alors, conséquences.
Mon sujet est que je suis en interrogation, on va dire ça avec prudence, devant un mécanisme qui pousse en effet à mettre constamment de l'huile sur le feu. Et ce que je crains, ce que je crois, c'est que le mécanisme de la primaire, c'est un mécanisme qui excite les plus agressifs.
Ce n'est pas ce qu'il s'est passé à gauche.
On pourrait en discuter, je ne suis pas d'accord avec vous.
C'est le mécanisme même des primaires qui ne vous convient pas en fait ?
Oui. Pour deux raisons...
Pas seulement pour l'UMP.
Pour deux raisons, la première, c'est parce que les primaires organisent la fracture en deux camps : il faut être d'un côté ou de l'autre, participer à la primaire...
Ça peut aussi rassembler les adhérents, les militants autour d'un homme.
Et donc pour moi, de ce point de vue, c'est une démarche dont je suis, vous le savez, très éloigné. Je pense que c'est absurde de découper un pays en deux camps et deux camps seulement, ça n'a aucun sens, c'est stupide. La démocratie, c'est le pluralisme. Voilà pour ce premier point. Le deuxième point, c'est que ça donne la prime au plus excité. Ça donne une prime excessive au plus excité. Est-ce que pour autant c'est une fatalité ? Non, ce n'est pas une fatalité. Peut-être qu'Alain Juppé a raison en pensant que dès l'instant où il y aura 3 ou 4 millions alors la modération, la raison, l'esprit d'ouverture peut l'emporter. Mais c'est sur ce point que j'ai une interrogation.
Quand vous voyez la situation actuelle, vous vous tenez prêt pour une quatrième candidature à l'élection présidentielle ?
D'abord, ce décompte des candidatures, si je ne me trompe pas, Nicolas Sarkozy, c'est la troisième.
Il a été élu, quand même.
Voilà. On n'est pas toujours élu. François Mitterrand a été battu un grand nombre de fois, Jacques Chirac a été battu un grand nombre de fois, ce sont des choses qui peuvent arriver.
François Mitterrand a été candidat quatre fois.
Mais il a été élu deux fois.
Vous dites : ce sera, pour vous, c'est sûr, Nicolas Sarkozy sera le candidat des Républicains...
Non, non.
Parce que vous dites : « ce sera la troisième ».
Mais en tout cas, c'est son intention.
Est-ce que Juppé a des chances de gagner ?
Je pense que dans les seize mois, il va se passer beaucoup de choses. Alors, ça, c'est une constatation de bon sens.
Vous n'avez pas répondu à ma question. Sur votre candidature, vous vous tenez prêt ou pas ?
Vous voulez m'attirer dans une prise de position que je n'ai aucune envie de...
Non, elle vous disait : « est-ce que vous êtes prêt, est-ce que vous vous tenez prêt ? »
Je refuse d'entrer dans ce débat. J'observe, quand je regarde les enquêtes d'opinion, que le socle qu'on peut appeler du centre réformiste, que ce socle-là est très important. Un socle à 12 %, ce n'est pas rien. Il sera clé dans le destin de cette élection présidentielle. Je souhaite que ce socle soit mis au service ou soit organisé avec une candidature du rassemblement. Je souhaiterais, dans la situation du pays, qu'on ait un changement d'équilibre, et qu'on puisse rencontrer des attitudes politiques et humaines différentes de celles que l'on nous promet.
Ce que François Hollande, estimez-vous, n'a pas réussi en 2012, vous pensez qu'Alain Juppé pourra le réussir ? Cette forme d'ouverture, pas l'ouverture à la 2007 comme on l'a vue, mais une forme, voir les choses autrement pour le pays ? Vous pensez qu'Alain Juppé pourra le faire ?
Oui, je pense qu'Alain Juppé est aujourd'hui le mieux placé de ceux qui peuvent réussir ce changement-là. Je vois des risques, je ne suis pas... Mais je pense qu'il est le mieux placé de ceux qui ont cette sensibilité plus portée à la compréhension mutuelle dans le pays, qui ne voient pas des ennemis dans tout ce qui bouge, et qui considèrent...
Un vrai républicain ?
Et qui considèrent qu'on peut vivre et travailler ensemble, même si on n'a pas exactement les mêmes parcours, les mêmes étiquettes, les mêmes positions, et que c'est nécessaire.
Mais François Hollande a ce positionnement d'apaisement, de rassemblement ?
Je suis au nombre des déçus de François Hollande.
Qu'est-ce qui n'a pas marché ?
Je pense qu'il n'a pas osé prendre de risques, il n'a pas voulu changer l'équilibre politique du pays, il s'est situé en PS contre les autres, droite contre gauche, et qu'il a fait, il a maintenu à l'Élysée ses choix qui étaient les choix de premier secrétaire du PS. Et je pense que c'est une erreur, et même une faute pour l'avenir du pays.
La question avec lui, elle remonte aux législatives de 2012 ou le Parti socialiste vous a fait battre ?
Non, je ne me situe pas en termes individuels dans cette affaire.
Mais ça compte.
Je vous assure que quand je rencontre François Hollande, que je parle avec lui, je lui dis d'ailleurs les mêmes choses exactement, et dans les mêmes termes.
Mais vous étiez le symbole de ça ?
Oui, je... Il a fait ses choix, et le Parti socialiste a fait ses choix, et le Parti socialiste n'a pas changé de choix. Il en demeure exactement aux mêmes, et les attitudes internes du Parti socialiste demeurent exactement les mêmes.
Ça change quand même, les frondeurs, c'est 30 %. Il n'y a aucune clarification pour vous au congrès qui vient de se passer à Poitiers ?
Si vous lisez la motion de monsieur Cambadélis, cette motion dit exactement ce que disaient les textes de synthèse du PS autrefois, il n'y a aucune innovation. Il y a même le refus de toute évolution par exemple sur le travail. C'est une recherche de synthèse à l'intérieur des courants.
Mais tout le monde sait que les motions du PS ne comptent pas.
Précisément, c'est la raison pour laquelle je dis que rien n'a changé.
Et vous pensez qu'à un moment donné vous pourrez vous réconcilier avec cette gauche-là ou pas ?
Avec cette gauche-là, non. Je veux dire, réconcilier, pas au sens d'une fâcherie personnelle. Mais la ligne politique qui est définie par ce PS est une ligne politique que je ne considère pas comme juste pour l'avenir du pays.
Et Manuel Valls, pareil ?
Manuel Valls a fait un pas vers une émancipation, et puis il a fait un pas... Il a fait un pas en avant vers l'émancipation, et puis il a fait un pas en arrière, et peut-être même deux pas en arrière. Il a essayé, je me souviens d'une interview au Nouvel Observateur à la rentrée de l'année précédente, qui disait quelque chose de cet ordre-là. Et puis il a fait marche arrière.
Vous aviez fait un pas en 2007 vers Ségolène Royal, elle avait fait un pas vers vous. Et aujourd'hui, elle est ministre de l'Écologie.
Oui, dans l'actualité, Ségolène Royal a annoncé l'arrivée de vignettes de couleur pour signaler le taux de pollution de chaque véhicule. Est-ce que vous pensez que ce sera efficace ?
Je pense que c'est du bricolage, et du bricolage pas toujours bien inspiré.
Pourquoi ?
Parce que si j'ai bien lu, les moteurs diesel qui ne polluent pas sont considérés comme des ennemis publics. Et je trouve que c'est un peu idéologique, et pas très équilibré, et pas très équitable. C'est pour faire plaisir à des courants d'opinion, tout ça. Je ne suis pas enthousiaste.
Il n'y a pas de problème de pollution de l'air ?
Il y a un problème de pollution de l'air par des moteurs anciens et qui polluent. Mais la différence qu'on fait, ce n'est pas des moteurs anciens et qui polluent, c'est après avoir fait la propagande du diesel et si je ne me trompe pas, François Hollande encore il y a quelques jours, des moteurs diesel de dernières générations, après avoir fait... Il est allé dans une usine, pour dire : « c'est formidable », oui ou non ? Après avoir fait la propagande du diesel pendant des années, des décennies, presque, voilà que tout d'un coup le diesel devient l'ennemi public numéro 1 sans qu'on s'interroge une seconde pour savoir si c'est fondé sur...
Avec des données médicales, quand même.
Soyez...
Moi, c'est ce que j'ai lu...
Essayons de mettre un tout petit peu d'ordre dans tout ça. Il y a des moteurs diesel qui en effet polluent aux particules fines, et les moteurs diesel de dernière génération, semble-t-il, c'est en tout cas ce que les experts disent, ont supprimé ces émanations. Et c'est le sens des propos que vous avez rapportés longuement sur vos radios, télévisions ou organes de presse, du président de la République, il n'y a pas huit jours ou dix jours, je ne sais plus, je n'ai pas la date exacte. Et donc tout ça ne me paraît pas très équilibré.
Alors, il y a quelque chose de très équilibré, ou de pas équilibré d'ailleurs, c'est ce qu'il se passe au Front national, avec un moteur diesel, un moteur essence.
Oui, la querelle continue. Jean-Marie Le Pen a assigné hier le Front national en justice, parce que sa qualité d'adhérent avait été suspendue par le bureau exécutif présidé par sa fille. Que vous inspire cette crise au Front national ?
Je suis sans opinion.
Ça vous indiffère ?
Vous savez, dans les sondages, il y a : pour, contre, sans opinion.
Oui, mais pourquoi ?
Classez-moi dans les « sans opinion ».
Vous êtes un vrai centriste.
Ce que... Mon affrontement avec le Front national qui vient de loin, sur quoi porte-t-il ? Il porte sur deux choses. Il porte sur des idées et sur des obsessions. Je suis en désaccord avec les idées, en désaccord grave. Je pense que les solutions que propose le Front national pour le pays seraient mortelles, et j'ai toujours utilisé ce mot « mortelles » pour la France, mortelles pour sa société, pour son économie, pour son avenir, mortelles. Donc je suis en désaccord avec ces idées. Et je suis violemment hostile à ses obsessions. Je pense qu'on ne peut pas conduire un pays à quelque chose qui sera son avenir nécessairement en perpétuellement attisant la question de l'origine, la question de la religion. Les enfants de France, les enfants de chrétiens, les enfants d'athées, les enfants de musulmans, les enfants de juifs, les enfants de bouddhistes, les enfants d'agnostiques, qui ne savent pas, ils vont devoir vivre ensemble.
Mais il n'y a pas quelque chose de radicalement changé avec Marine Le Pen par rapport à son père ?
Et toute présentation des choses qui passe son temps à organiser l'hostilité des uns contre les autres, non pas sur ce qu'on fait, mais sur ce qu'on est, d'origine, de...
Là, vous parlez du FN.
Oui, et d'autres, parce qu'il peut y en avoir d'autres.
D'autres, c'est qui ?
Je pense que c'est nuisible pour l'avenir du pays. Et donc je combats cela. Alors, après entrer dans cette « FNologie » qui est votre métier, qui consiste à dire qui est un peu plus avec, un peu...
Non, ce n'est pas la question. Est-ce que ce qu'il se passe au Front national ça n'éloigne pas tous les jours un peu plus Marine Le Pen du second tour de la présidentielle ? Puisqu'on disait il y a quelques mois : « elle y sera ». Est-ce qu'aujourd'hui vous dites : « c'est sûr, elle sera au second tour » ?
Quelle est la chance principale de Marine Le Pen ? Il y en a deux, pour dire la vérité, la première, c'est qu'elle surfe sur ces sentiments-là, qui sont des sentiments très profonds, et la deuxième, c'est qu'il n'y a pas d'alternative dans le sens démocratique français, c'est qu'on présente les choses comme s'il n'y avait le choix qu'entre le Parti socialiste et l'ex-UMP devenue les Républicains. C'est ce qu'on présente, c'est ce qu'on dit. Alors, les gens disent : « non, on n'en veut pas ». Donc ils vont à des solutions qui sont pour moi des solutions très risquées et très dangereuses. Mais créons l'alternative dans le champ politique français. C'est ça qui est ma position de fond. Avec qui choisira d'avoir les mêmes principes, je suis prêt à travailler, et notamment dans le champ de tous ceux qui d'une manière ou d'une autre se réclament du centre.
Du centre, et notamment aussi de l'Europe d'ailleurs, parce qu'il y a les dossiers européens.Vous dites que Marine Le Pen a des idées très dangereuses sur l'Europe, on voit quand même que l'Europe a...
Non, elle a des idées très dangereuses sur la France. Les choix qu'elle propose sont pour la France des choix qui seraient mortels.
Mais on voit aussi que l'Europe est contestée, on voit qu'il y a eu des idées de référendum en Grande-Bretagne, on voit des élections qui contestent l'Europe, et on entend Emmanuel Macron qui suggère d'aller vers une Europe à deux vitesses avec une avant-garde, la zone euro qui serait un peu plus intégrée. Est-ce que ce schéma-là serait le bon ?
Les militants européens depuis longtemps, je ne parle pas seulement de moi et de ma famille politique, mais c'était même l'idée que défendait François Mitterrand, d'une Europe à plusieurs cercles, voient bien depuis longtemps que dans l'Union européenne il y a un espace de solidarité au moins qui est défini par la monnaie. Nous avons choisi d'avoir la même monnaie, alors il faut que nous ayons des décisions convergentes. J'ajoute que comme nous avons le même modèle de société, nous devons avoir aussi des décisions convergentes du point de vue social. Cette convergence-là, plus accentuée, plus renforcée, plus assumée, elle est une partie du destin de l'Europe. Et donc tous ceux qui vont dans ce sens, grosso modo, se retrouvent. Mais moi je veux ajouter une chose. Je suis passionnément européen, mais il n'est pas possible que les décisions européennes soient prises sans que les citoyens en soient informés, et même y soient associés.
Il faut tout changer en Europe comme le dit Nicolas Sarkozy, alors.
Non, je n'emploie pas ce genre de formule, parce que je fais attention aux arrière-pensées autant qu'aux pensées. Mais vous voyez bien que si quelqu'un parmi vous est capable de me dire ce que sont les sujets qui sont aujourd'hui préparés pour les décisions européennes, je vous donne des pralines !
Des pralines !
Ou du chocolat, comme vous voudrez. Vous voyez bien que ça se passe en cercle fermé. Or, si l'Europe assume ou si les décisions européennes concernent notre avenir, alors il faut que ce soit avec un degré de transparence, d'ouverture, et depuis longtemps je dis : « rendez publics les débats au sein du Conseil européen, et faites-en une assemblée où on saura ce que nos chefs d’État et de gouvernement plaident pour notre avenir. Ça nous intéresse, c'est notre affaire ». Et ils n'ont pas le droit perpétuellement de s'enfermer derrière des murailles et des rideaux qui empêchent le son de sortir.
Ça vaut pour les négociations sur la Grèce, ce que vous dites ?
Oui, ça vaut. Les principes sont clairs. La Grèce, vous savez que la France est engagée en Grèce, a prêté à la Grèce des dizaines de milliards. Et donc bien sûr ça nous concerne, et c'est notre avenir. J'espère que l'issue sera favorable. J'espère sans en être certain.
Merci François Bayrou, c'est la fin de Questions d'Info. Merci d'avoir répondu à notre invitation.

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